Nous vous souhaitons une année de paix et d’harmonie

C’était en fin d’année dernière. Réunie avec plusieurs autres professeurs de yoga pour fêter Noël, je discutais passionnément avec l’une d’entre elles et lui faisais part de ma déception d’avoir été contredite par une de mes élèves concernant l’identification d’un arbre. C’est le genre de truc qui me rend facilement triste. Ayant été élevée par un père passionné de Nature, on ne rigole pas chez moi avec le nom des arbres ! C’est alors que l’une des femmes présentes et qui écoutait avec attention notre conversation s’adresse à moi et me demande : « pourquoi est-ce si important d’avoir raison ? ».

 

C’est vrai ça ? Pourquoi était-ce si important pour moi de dire que je détenais la vérité sur l’identification de cet arbre ? Qu’on se le dise une bonne fois pour toutes, le liquidambar (Liquidambar Styraciflua) aux belles feuilles écarlates en automne appartient à la famille des Altingiaceae et non à la famille des érables classifiés sous le terme de Sapindaceae. Ne riez pas ! C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup… Je peux tout à fait convenir avec vous que ce n’est pas un sujet vital (encore que). Mais ce qui m’a frappée dans cette histoire c’est, d’une part mon agacement très net d’avoir été contredite sur un sujet où je tenais pour certain d’avoir raison, et d’autre part, ma stupeur lorsque j’ai constaté la vacuité de mon entêtement à faire valoir mes connaissances.

 

Car cette question jetée à la volée et qui m’a frappée droit dans la face, « pourquoi est-ce si important d’avoir raison », n’a plus cessé de m’interroger. Je dirais même que je n’ai pas fini de cheminer avec elle. Car la question de qui a raison et de qui a tort n’en finit pas de nous diviser. En particulier depuis qu’une certaine crise sanitaire s’est invitée dans nos quotidiens, bouleversant nos vies, questionnant nos valeurs, nos peurs et nos croyances. Je ne compte plus les nœuds au cerveau à me demander à qui profite le crime ? Qui manipule qui ? Qui ment et qui dit la vérité? Qui croire ou ne pas croire ? Je ne compte plus les posts facebook proclamant des vérités bien souvent contradictoires, brandissant d’intimes convictions comme des étendards avec en sous-texte l’injonction « qui m’aime me suive » et jetant l’opprobre sur ceux, justement, qui ne suiveraient pas.

 

Même dans mes cercles relationnels les plus proches et les plus précieux, le malaise s’installe. De toutes parts, me parviennent des discours vindicatifs qui me disent quoi faire ou ne pas faire et targuant le camp d’en face d’être instrumenté par le Mal lui-même. Quelle angoisse ! Et puis voilà que je tombe sur ces mots de Georges Picard, écrits en 1999 et partagés il y a quelques jours par Frédéric Lenoir : « Vous avez à votre disposition une somme d’énergie colossale, une fois que vous renoncez à avoir raison. Avoir raison implique que quelqu’un d’autre doit avoir tort. La confrontation entre ceux qui ont raison et ceux qui ont tort nuit à toutes les relations. Il en résulte de grandes souffrances et des conflits à travers le monde. Renoncer au besoin d’avoir raison ne signifie pas que vous n’avez pas un point de vue personnel. Mais vous pouvez renoncer à défendre votre point de vue. »

 

Dans ce contexte que nous traversons depuis bientôt deux ans, ces mots m’ont fait l’effet d’un baume. La violence de certains discours est telle qu’il est difficile de conserver un cœur serein, de ne pas se sentir agressé ou malmené. Car qui peut prétendre avoir raison ? En préparant cet article, j’ai découvert que Liquidambar Styraciflua, aujourd’hui classé dans la famille des Altingiaceae était autrefois classé dans la famille des Hamamelidaceae et que les érables autrefois référencés dans la famille des Aceraceae étaient aujourd’hui classifiés dans la famille des Sapindaceae. Ne soyez pas choqués, je vous en prie de cet exemple botanique. Il ne fait qu’illustrer combien nos connaissances et notre savoir sont en constante évolution, que notre perception du vivant change continuellement et que la science n’est que le reflet de l’état de nos connaissances à un instant donné. Ainsi en est-il également de nos convictions, qui elles aussi, ne sont que le reflet momentané de notre système de croyance. Alors, dans ces conditions, sommes-nous véritablement en capacité de proclamer des vérités ? Tandis que notre entêtement à avoir raison, lui, nuit à l’harmonie entre les êtres ?

 

Et si la vraie sagesse, c’était de savoir s’abstenir de défendre son point de vue ? Entendez qu’ici mon propos n’est ni de dire qui a tort ou a raison, ni que vous ne devez pas avoir de point de vue personnel, que ce soit en matière de botanique ou de tout autre sujet, mais de vous soumettre à mon tour cette question qui m’obsède : pourquoi est-ce si important d’avoir raison ? Et cette question plus cruciale encore : brandir nos convictions personnelles comme des étendards contribue t’il à répandre la paix et l’harmonie ? Car pour cette nouvelle année qui débute, c’est cela que je vous souhaite :

Une année de paix et d’harmonie. Et un cœur serein.

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